Rendez - vous pris avec notre guide Catherine de l' office de tourisme de Bordeaux le mardi 8 avril 2025 à 14h au pied de la Grosse Cloche rue Saint James, rue qui sera celle des libraires et des imprimeurs du XVIème au XIXème siècle.
Et c'est parti pour un voyage au temps médiéval de Bordeaux :
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James en Gasgon signifie Jacques. La rue Saint James se situe sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle |
Les villes - marchés, les maisons et les rues au Moyen - Age
Le vin s'achetait à la taverne et il était taxé au pichet. Le sel, essentiel pour la conservation des aliments, ainsi que le blé étaient des denrées majeures dans le commerce atlantique et participer à des marchés ou des foires était un privilège économique pour les commerçants et les villes. Les productions artisanales et les autres denrées faisaient plus souvent l'objet de troc. A partir des XIIIe et XIVe siècles, les artisans et les commerçants se regroupaient par corporation de métiers et par rues.
C'est en 1431 que le roi d'Angleterre a mis en place la foire de Bordeaux qui se tenait dans un premier temps sur les quais entre la place de la Bourse et celle de la Monnaie. Au XVIe siècle, les rois Charles VII et Charles IX ont fixé les dates de la foire à mars et octobre. En 1853, elle déménage sur la place des Quinconces où se dressait auparavant le château Trompette.
De nos jours et pour perpétuer la tradition du Moyen Age, la foire aux plaisirs de Bordeaux s'installe place des Quinconces aux mêmes périodes de l'année.
Par manque de place à l'intérieur des remparts et parce que les impôts étaient déterminés par la surface au sol, les maisons du Moyen - Age étaient très souvent mitoyennes ou séparées par une ruelle dite "androne". Elles possédaient généralement plusieurs étages construits en pierre et pans de bois et servaient de boutiques ou d'ateliers en rez - de - chaussée et d'habitations aux étages.
Les rues de Bordeaux étaient étroites, car comme nous venons de le souligner, on cherchait à construire le maximum d'habitations à l'intérieur des remparts.
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Ruelle étroite cours Victor - Hugo |
Les remparts
La ville de Bordeaux a été fortifiée par trois fois afin de se protéger des attaques, de contrôler les accès à l'intérieur de l'enceinte et de prélever des taxes sur les marchandises :
- après l'invasion des barbares en 276, Bordeaux prend la décision de devenir un castrum "lieu fortifié" afin de se protéger de futures attaques. Un rempart de 5 mètres d'épaisseur, 9 mètres de haut, entouré de 2 fossés avec 4 portes et 6 tours est alors érigé. La superficie de la ville à l' époque est de 30 hectares dans une enceinte de 740m sur 480m et englobe les actuels cours Alsace et Lorraine, rue des Remparts, cours du Chapeau Rouge et cours de l'Intendance.
- en 1227 un second rempart est construit afin de protéger les quartiers neufs situés autour de l'église Saint Eloi : la rue Neuve, la rue de la Rousselle et le Palais de l'Ombrière. 50 tours et 6 nouvelles portes sont ajoutées dont la porte Saint Eloi (la Grosse Cloche) qui est la plus ancienne que la ville conserve du Moyen Age.
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Archives Bordeaux Métropole : BORDEAUX 370 S 1 2 7 - Bordeaux, au XIVe siècle, livre bordelaise (Tome I, cahier 2, page 7) - [XIX] |
Plan de la ville de Bordeaux en 1550. Source Gallica |
La porte Saint Eloi dite "La Grosse Cloche"
L'ancien beffroi de l'Hôtel de Ville a été édifié au XVème siècle sur les vestiges de l'ancienne porte Saint Eloi, dite aussi porte Saint James, datant du XIIème siècle. C'est un édifice qui fût à la fois beffroi de la cité, prison et passage dans les remparts.
Elle possède deux tours de 40 mètres de haut reliées par un bâtiment central. Le léopard d'or rappelle les armes de la province de la Guyenne anglaise dont Bordeaux était la capitale.
L'actuel cours Victor Hugo était à l'époque un fossé longeant le rempart dont nous pouvons voir des vestiges dans les deux magasins ouvrants la rue Saint James.
Les magistrats de la ville sonnaient la cloche pour donner le signal des vendanges et alerter la population en cas de danger. La cloche actuelle a été coulée par le fondeur Turmeau. Elle pèse 7800 kilos pour deux mètres de hauteur et de diamètre. Du fait de son poids, qui pourrait provoquer des fissures et dégâts sur l'édifice, elle ne sonne plus qu'à de rares occasions à 11h :
- le premier janvier pour le nouvel an
- le 8 mai pour la victoire du 8 mai 1945
- le 14 juillet pour la Fête Nationale
- le 28 août pour la libération de Bordeaux en 1944
- le 11 novembre pour l'armistice de 1918
- depuis 2016 elle sonne également tous les premiers dimanches du mois.
Texte écrit sur la Grosse Cloche : "J'appelle aux armes, j'annonce les jours, je donne les heures, je chasse l'orage, je sonne les fêtes, je crie à l'incendie".
L' église Saint Eloi
La rue Pilet
Traversons le cours Victor Hugo pour nous retrouver dans le quartier Saint Michel devant l'une des plus vieille maison de la ville située au n° 2 de la rue Pilet. Anciennement rua Panteneira qui rappelle la profession de pentenier, en gascon pentiar qui signifie peigner la laine. D'après des recherches récentes, il semblerait que cette habitation à colombages de bois daterait plutôt du XVIe siècle car les fenêtres à croisillons en croix de Saint André sont de cette époque.
L' impasse de la rue Neuve
Rue Neuve, nous faisons une halte au square Jean - Bureau pour nous arrêter devant une vieille maison avec ses fenêtres à meneaux.
De nombreuses familles riches possédaient une résidence dans la rue Neuve. De part sa localisation proche du Palais de l'Ombrière la rue se trouvait entre le pouvoir commercial et le pouvoir communal. Les jardins des hôtels particuliers de ce secteur allaient jusqu'à la rue du Muguet et la rue Descazeaux (nous y reviendront plus loin).
Au fond de l'impasse de la rue Neuve nous découvrons, deux merveilles architecturales de l'époque médiévale. A l'entrée de l' androne nous pouvons admirer une statue logée dans une niche. Sur notre gauche nous admirons un hôtel particulier (l'oustaü en gascon) ayant appartenu à la famille Soler (Rostand del Soler fut maire de 1237 à 1238 puis de nouveau en 1241 avant d'être sénéchal de Gascogne en 1242) et qui semble être la plus ancienne des maisons de Bordeaux. Ses fenêtres ressemblent à celles d'une cathédrale. A la fin du XIVe siècle l'apogée des Soler déclina et c'est la famille Lalande qui pris possession de cet oustaü. Au fond de la cour, la maison de Madame Jeanne de Lartigue, épouse du célèbre Montesquieu qui y résida jusqu'à son décès. Au premier balcon nous pouvons voir les bustes d'une femme et d'un homme.
Rue du puits Descazeaux
Cette rue date du XIIIe ou XIVe siècle et débute à l'emplacement d'un puits qui se situait dans la maison Lalande (putz dans casaus en gascon). Ce puits souligne le fait que les jardins bordaient les résidences des riches marchands et des Jurats au Moyen - Age. De plus, des témoignages retrouvés indiquent que la rue Neuve était bordée de vignes et de jardins au XVIIIe siècle.
Rue du Muguet
Elle porte ce nom depuis 1830, probablement par le fait que l'on trouvait cette fleur dans les jardins. En 1380, elle portait le nom de Carréira de la Muscada. Des historiens ont émis l'hypothèse que, de l'odeur de la noix de muscade aurait pu découler celle du muguet.
Rue de la Rousselle
Anciennement rue Montaigne. L' auteur des Essais et maire de Bordeaux de 1581 à 1585, Michel Eyquem de Montaigne, y vit le jour et y passa une partie de son adolescence au n° 23 - 25. Y subsistent les vestiges de l'oratoire ainsi qu'une cheminée. Autrefois cette rue sentait les épices et le poisson. Elle tirerait son nom de "rosseu" qui signifie daurade en gascon. Au Moyen - Age elle partait des fossés (cours Victor - Hugo de nos jours) pour rejoindre le port Saint Jean (porte Saint Jean) puis le marché situé actuellement place Fernand Laffargue.
Nous pouvons voir sur les photos les stigmates du double effondrement qui a eut lieu dans la nuit du 20 au 21 juin 2021.
Rue des Bahutiers
Les noms des rues du quartier Saint Pierre évoque encore les anciens métiers :
- rue des Argentiers (les orfèvres)
- rue du Chai des Farines (les entrepôts à céréales)
- et la rue des Bahutiers (les marchands de coffres)
Cette rue porte le nom des artisans qui réalisaient des bahuts ou coffres en bois dans lesquels étaient rangées les affaires car il n'y avait pas d'armoires à l'époque. Nous pouvons admirer au n° 47, une maison qui, à l'époque du Moyen - Age était une boutique.
- Au n°13 a vécu jusqu' à son décès Flora Tristan (1803 - 1844), pionnière du syndicalisme et du féminisme qui repose aujourd'hui au cimetière de la Chartreuse.
La porte Cailhau
Nous terminons notre promenade médiévale par la porte dite du Palais construite en 1495 avec la participation de la noblesse de Guyenne et de l'archevêque de Bordeaux. Elle a deux significations possibles :
- caillou (cailhau en gascon) : cargaisons de cailloux ramenées par les bateaux à Bordeaux
- caillau : riche famille établie à proximité de la porte et qui donna plusieurs maires à la ville
Entrée royale de la ville, cette porte haute de 35 mètres est édifiée à la fin du XVe siècle en commémoration de la victoire de Charles VIII contre les italiens à Fornoue en 1495. Elle est intégrée dans les remparts de la ville et se situe entre les deux principales rivières de la ville : le Peugue (cours Alsace et Lorraine) et la Devèze (rue de la Devise). Elle donnait accès au Palais de l'Ombrière, résidence des ducs de Guyenne, démoli en 1800 pour permettre l'ouverture de l'actuelle rue du Palais de l'Ombrière.
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Archives Bordeaux Métropole : BORDEAUX 370 S 1 6 8 Vue de Bordeaux au Moyen Âge, Palais de l'Ombrière, Doyenné (Tome I, cahier 6, page 8) - [XIX] |