12 décembre 2024

Marie-Clémentine et le baptême des cloches de Hanoï en 1895

Quand les cloches de la Cathédrale Saint-Joseph de Hanoï ont sonné le 12 décembre 1895, Marie-Clémentine était à 9574 km de s'imaginer que sa petite nièce Marie-Luce, nous relaterait, lors d'une réunion généalogique de décembre 2024, soit 129 ans plus tard, l'histoire du baptême des cloches de cette Petite-Notre-Dame du Tonkin.

Point historique sur le Tonkin et Hanoï

Le protectorat du Tonkin était un territoire placé sous protection de la France entre 1884 et 1948, excepté une occupation japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1948, le territoire du Tonkin quitte le protectorat français et intègre le Gouvernement central provisoire du Vietnam

Après la fin de la guerre d'Indochine en 1954, le territoire de l'ancien protectorat passe sous le contrôle du Nord Vietnam. Hanoï, capitale du Tonkin est actuellement la capitale du Vietnam réunifié.

La Cathédrale

La Cathédrale est édifiée à l'emplacement de l'ancienne pagode Chùa Bao Thién, datée de 1057 sous la dynastie des Ly. Elle était déjà l'une des plus antiques, majestueuses et grandioses pagodes dans l'histoire vietnamienne. 

A la suite d'un terrible incendie à la fin du XIXème siècle, la pagode a été abandonnée. Sous l'épiscopat de Mgr Paul-François Puginier (1835-1892), les français construisent, de 1884 à 1887, la cathédrale Saint-Joseph dans un style néogothique, avec un plan architectural similaire à celui de Notre-Dame de Paris. 

Malgré les guerres féroces qui ont dévasté la quasi totalité de Hanoï, la cathédrale Saint-Joseph est toujours miraculeusement intacte. Elle est actuellement l'une des églises les plus importantes de Hanoï. Elle est à la fois un lieu religieux et un vieux monument qui est le témoin des changements historiques de la ville et du pays.

La cathédrale possède également un ensemble de cloches fondues à Paris dont quatre petites et une grande : 

  • la Tonkinoise, 
  • la Tuyên-Quang, 
  • la Gauloise,
  • la Haïphonnais
  • la Memento dont Marie-Clémentine est la marraine.

Marie-Clémentine Bourgouin-Meiffre

 
Marie-Clémentine est la Grand-tante de Marie-Luce, notre adhérente. Elle est née en 1854 à Saint-Etienne et décède en 1938 à Boulogne Billancourt. Elle se marie en 1881 à Avignon avec Numa Jules Bourgouin, né en 1851 à Troyes et décédé en 1911 à Hanoï. 
Ce couple audacieux et aventureux va traverser une vie riche en événements de la France au Tonkin où ils arrivent en 1884. Hanoï va leur apporter gloire et fortune grâce à de nombreuses maisons de commerces que Numa Jules y développe :

- 1884 : filature, confection d'uniformes, chemises, mouchoirs, peppermint Get frères, biscuits à champagne, banyuls, chartreuse Garnier,
- 1887 - 1893 : fermier de la badiane,
- 1888 : Numa Jules est adjoint au maire d'Hanoï,
- 1889 : création d'une distillerie de plantes aromatiques à Hanoï,
- 1890 : concession sur les bords de la rivière Noire au mont Bavi pour la culture du coton
- 1891 : filature de soie puis de coton en association avec cinq industriels parisiens, alsaciens et vosgiens,
- 1891 - 1932 : confection d'uniformes,
- 1897 : rachat de la tuilerie-briqueterie du Grand-Bouddha à Hanoï (future Tuileries de l'Indochine),
- 1905 : exploitation de la mine de fer de Cavan près de Thai-Nguyên.

En 1888, Numa Jules est laissé pour mort dans un ravin suite à une attaque par des pirates "Le 25 novembre 1888, les deux coolies porteurs du courrier venant de Lang-Son sont assaillis à 5 kilomètres avant d'arriver à Kep. En venant à leur secours, M. Bourgouin-Meiffre, notable commerçant, qui se rendait à Lang-Son, avec un convoi de coolies, reçoit cinq blessures, et son commis, M. Jousseaume, est tué".

Marie-Clémentine marraine de Memento ;


Extraits de l'article du journal L'Extrême-Orient, paru le 12.12.1895 à Hanoï, Tonkin.

Histoire des 5 cloches, des 5 soeurs ;

- la cloche numéro 1 se trouvait somptueusement habillée de soie pourpre ornée de dentelle blanche et entourée d'une guirlande de camélias ; sous cette superbe parure, La Tonkinoise - tel est son nom - disparaissait tout entière pour ainsi dire. Et cependant elle ne pèse pas moins de 3500 kilos ! Elle donne le Si bémol

- la cloche numéro 2 s'appelle Tuyên-Quang ; elle cache ses 1500 kilos sous une robe de soie rose garnie de rubans. Tuyên-Quang donne comme son le Mi bémol

- la cloche numéro 3 s'appelle Gauloise, elle est habillée de soie bleue. Cette cloche sonne en Fa et pèse 1300 kilos

- la cloche numéro 4 s'appelle Haïphonnaise, elle porte une robe verte et pèse 1100 kg et a comme son le Sol

- la cinquième cloche, la plus petite, elle ne pèse que 900 kilos et sonne le La bémol s'appelle Memento. Elle provient de souscriptions faites entre les colons du Tonkin. Cette cloche a eu pour parrain Julien Blanc et pour marraine Marie-Clémentine Bourgouin-Meiffre. "Je m'appelle Marie, Clémentine, Marguerite, Jeanne, Emilie, Julienne, Joséphine, Thérèse ; Messageris maritimes, Dupré ; L.A. Guichard ; Faubladié ; Blanc ; Daurelle ; M et Mme Neyret ; De Goy ; Lurette ; Hermenier et Plantié ; Bourgouin-Meiffre".

Monseigneur Gendreaud procède à la bénédiction des trois cloches Tonkinoise, Tuyên-Quang et Haïphonnaise, ; Monseigneur Marcou bénit Memento et Monseigneur Ramon, la Gauloise ; chaque cloche est aspergée d'eau bénite et les Saintes huiles sont apposées. Puis la marraine par trois fois fait résonner le bronze en tirant le ruban qui entoure le battant de la cloche. Enfin la lecture du procès-verbal est faite par Monseigneur Gendreaud ; tous les parrains et marraines signent le registre et c'est au son d'une marche magistrale, exécutée par la musique, que la cérémonie se termine et que la foule se disperse, pénétrée d'un sentiment profond, mais indéfinissable, fait peut-être de souvenirs anciens doucement ravivés par cette solennité.

Et c'est au son des mots qui résonnaient encore dans notre tête que nous avons quitté notre petite Maison Diaz, emportant avec nous l'histoire de Marie-Clémentine, de Memento, de Numa Jules et de Hanoï racontée par Marie-Luce que nous remercions pour avoir partagé avec nous un extrait de mémoire généalogique de sa famille.



Le Pont de Hanoï